L’égalité consiste à demeurer impassible au-dedans en toutes circonstances.
Egalité n’est pas synonyme de patience, bien qu’une égalité fermement établie augmente sans aucun doute considérablement, et même de manière illimitée, le pouvoir d’endurance et de patience de chacun.
Posséder l’égalité, c’est avoir un mental et un vital tranquilles et immuables ; c’est n’être ni touché ni dérangé par ce qui vous arrive, ce que l’on vous dit ou vous fait, mais regarder toutes ces choses en face, sans aucune des déformations qu’engendre le sentiment personnel, et essayer de comprendre ce qui est derrière elles, pourquoi elles se produisent, ce que vous pouvez en apprendre ; ce qui, en vous-même, est l’objet de leurs assauts et quel profit, quel progrès intérieur vous pouvez en tirer ; c’est avoir la maîtrise des mouvements vitaux : colère, susceptibilité, orgueil, mais aussi désir et le reste ; c’est ne pas les laisser s’emparer de l’être émotionnel, ni troubler la paix intérieure ; ne pas parler, ne pas agir précipitamment sous leur impulsion, ne pas parler, n’agir que mû par un calme équilibre intérieur de l’esprit. L’entière et parfaite possession de cette égalité n’est pas facile à acquérir, mais il faut dans relâche essayer de fonder de plus en plus sur elle l’état intérieur et les mouvements extérieurs.
Quelque déplaisantes que soient les circonstances, quelque désagréable que soit la conduite d’autrui, vous devez apprendre à tout recevoir avec un calme parfait et sans réaction troublante. Ces choses sont la pierre de touche de l’égalité. Il est facile d’être calme et égal quand tout va bien et que les gens et les circonstances sont agréables ; quand ils sont l’opposé, la perfection du calme, de la paix et de l’égalité est éprouvée, fortifiée, perfectionnée.
Il est nécessaire de garder [l’égalité] dans la douleur et la souffrance, c’est-à-dire d’endurer avec fermeté et calme, de ne pas être agité, troublé, déprimé ni découragé, et d’avancer avec une foi inébranlable en la Volonté divine. Mais l’égalité ne veut pas dire une acceptation inerte. Si, par exemple, vous échouez momentanément dans quelque tentative de la sâdhana, vous devez garder l’égalité sans vous inquiéter ni vous décourager ; mais il ne faut pas accepter l’insuccès comme une indication de la Volonté divine et abandonner la tentative. Au contraire, vous devez découvrir la raison et le sens de l’insuccès et avancer plein de foi vers la victoire. De même pour la maladie : ne soyez pas inquiet, troublé ni agité ; mais vous ne devez pas accepter la maladie comme une expression de la Volonté divine ; au contraire, considérez-la comme une imperfection du corps dont il faut vous débarrasser comme vous essayez de vous débarrasser des imperfections vitales et des erreurs mentales.
Une sage impersonnalité, une tranquille égalité, une universalité qui voit en toutes choses des manifestations du Divin ou de l’unique Existence, qui ne se fâche point, ne se tourmente point, ne s’impatiente point de la manière des choses et, d’autre part, qui n’est pas excitée ni trop ardente ni précipitée et qui voit que la loi doit être suivie et la marche du temps respectée, observe et comprend avec sympathie la réalité présente des choses et des êtres, mais regarde aussi, derrière les apparences actuelles, leur sens intérieur, et, en avant, le déroulement de leurs possibilités divines…
Sri Aurobindo